Question de Pierre J. :
J'ai un problème d'insomnie et mon voeu serait de pouvoir dormir. Un paradoxe pour un candidat à l'éveil, n'est-ce pas !? C'est comme si c'était calme en surface, mais un calme trompeur qui dissimulerait une nervosité, une tension comme celle d'un arc, qui m'interdit quasiment de me relaxer. Je n'attends pas un remède miracle, mais si tu avais un éclairage à m'apporter sur la question, je t'en serais reconnaissant.
Je dois avouer que ce n'est pas mon rayon mais il est possible qu'un "éclairage" différent puisse contribuer à ce que tu trouves le sommeil.
Pour re-situer le contexte, ce qu'on appelle état de veille, de rêve ou de sommeil profond ne sont que 3 modalités de la même source. Il n'y a paradoxalement pas un état plus "éveillé" qu'un autre, entre ce qu'on appelle la veille, les rêves et le sommeil profond, pour la bonne raison que ces états, identiques en substance (avec absence et / ou présence de perceptions), ne changent en rien le « sujet ultime ».
Se mettre dans la position du gars réveillé jugeant les autres états comme inférieurs est valider cette incroyable hallucination qui proclame que l'on existe bien en tant qu'individu, engagé dans la manifestation...
Le passage d'un état à l'autre (ici de l'état de veille vers le sommeil) est gouverné par les événements présents à ce moment-là : une tasse de café par exemple ou à l'inverse une prise de somnifère, une douleur physique ou psychologique. Ceci étant, il y a une forme de perception (car c'en est bien une !) qui contribue grandement à empêcher ce passage : la pensée.
Les pensées, devrais-je dire, car s'il y a bien un flot de pensées pseudo continu, il n'y a pas pour autant d'entité pensante. Cette supposée entité est générée par le fait même que le flot semble continu. Le noeud est là, car s'il y a perte de continuité, il y aura perte d'entité, donc d'identité.
"To be, or not to be"... C'est l'angoisse du "Etre, ou ne pas être". Le flot semble continuer sans cesse sous peine de mort du bonhomme, et seule une perte involontaire et momentanée de conscience y remédie et crée le nécessaire lâcher prise vers les bras de Morphée...
La réalité est que la vie phénoménale est en fait discontinue. La mémoire crée les milliers de petits ponts vers le passé proche ou lointain pour simuler un fil, une histoire, une vie autonome. Seuls le discernement, la compréhension et la vision que le passé est une suite disjointe d'événements - qui de plus ne "me" concernent pas - peuvent détruire l'état hypnotique.
La mort / lâcher prise est à chaque seconde, après chaque maintenant, aussi à la seconde juste avant de dormir ! La seule angoisse véritable, l'angoisse existentielle, nous joue des tours.
La tension dont tu parles est un instrument de continuité, une façon d'exister sans jamais tomber une seule seconde dans le néant. C'est une fonction de survie de l'égo. Et s'il pouvait y avoir une brèche dans l'édifice, cela te ferait sûrement du bien... 😉
La partie qui ne veut pas mourir / dormir est ce qu'on nomme généralement "moi" et celle-ci n'a aucun intérêt à perdre le moindre contrôle, ni à remettre quoi que ce soit en question.
Une astuce serait de momentanément considérer ce "moi" comme absolument "non toi", de te dire que TU ES - sinon il n'y aurait RIEN - mais que cela n'a aucune importance de savoir qui / comment / où TU ES. Essaie de voir si ta vie ne fonctionne pas aussi bien, sinon mieux ainsi. Cela fait un peu schizophrénique au départ mais si on y regarde bien a posteriori, c'est une schizophrénie entre ce que l'on est réellement et une prétendue chose qui va se dissoudre totalement, révélant ainsi l'Unité.
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