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Inversons la proposition

Extrait du Facebook Live "Rencontre confinée" avec Alain Eskenazi - Avril 2020


Didier : Ce dont je parle, c'est très simple... Ces moments de grâce, ces moments où la vie est d'une simplicité incroyable parce que tout simplement elle apparaît et raconte son histoire. Les soi-disant points de référence - le Alain, le Didier - ont disparu, ils sont tellement transparents qu'ils ne sont plus là, il y a juste histoire.


Histoire qui se déroule... Ces moments-là, on les connait tous, que ce soit à travers un étonnement; la beauté d'une oeuvre d'art; en conduisant sa voiture: tout simplement, le conducteur disparaît et il y a juste conduite. Donc ce ne sont pas des moments spéciaux, des moments "spirituels". Ce sont des moments qui apparaissent tout le temps dans une vie.


Ma proposition - et c'est tellement simple que cela en est presque ridicule - c'est de dire : ces moments-là, c'est mon camp de base. C'est la réalité de ce qu'on est réellement. On n'est pas une personne qui fait quelque chose, il n'y a que ce mouvement de la vie, qui conduit, qui fait la vaisselle et qui a, d'une certaine manière, une vie qui est la vie de tous les jours, pas une vie spéciale, mais qui a ce parfum particulier, ce parfum de liberté totale, parce qu'il n'y a plus le gugusse qui s'interpose, qui dit: "C'est moi qui fait."; "C'est moi qui dit.", etc...


Alain : Est-ce que le gugusse ne peut rien faire pour que la vie prenne le dessus sur le personnage ?


Didier : Bien sûr que non, il ne peut rien faire. Le gugusse est un point de vue virtuel, donc il n'y a aucun aucun moyen d'action à ce niveau-là. Par contre, Cela qui est, d'une certaine manière, notre existence profonde, réelle, est parfaitement décrit dans ce que je viens de dire, dans cette vie qui se vit directement, dans cette vie qui se sait directement, à travers ces moments de conduite, de vaisselle, d'étonnement, d'un lever de soleil...


Alors au lieu de dire : "Ca, ce sont les expériences spirituelles." ou "Je suis quelqu'un qui a des expériences spirituelles.", ma proposition, c'est de dire : "Ca, c'est ce qu'on est réellement, et ce qu'on est réellement a des expériences d'Alain, des expériences de Didier, des expériences de gugusse, qui tout d'un coup se prennent pour les rois du monde, qui tout d'un coup prennent le centre du film et s'approprient l'action, s'approprient la possibilité de faire quelque chose, de dire quelque chose, etc...


Ce que je suis réellement est ainsi "pris en otage" par ce gugusse qui s'exprime. Voilà, ce qui arrive, c'est une expérience.


Donc j'inverse la proposition : nous n'avons pas d'expériences d'Eveil, nous n'avons pas d'expériences d'unité, ça n'existe pas. Lire la vie comme cela valide notre séparation : "Je suis séparé et j'ai des expériences d'unité."... C'est un contresens total, ça ne peut pas fonctionner comme ça.


Donc essayons d'inverser la proposition. C'est la même vie qu'on lit complètement à l'envers : notre camp de base est Cela - qui ne comporte pas de centre, pas de périphérie - qui est cette capacité qu'on est réellement et, de temps en temps effectivement, il y a des expériences de personnages d'Alain, de Didier, qui se prennent pour des personnes séparées qui ont peur, qui vont mourir et qui sont nées et qui sont angoissées par le virus.


Alain : Je trouve ça très, très beau cette proposition de retournement, d'inversion, de dire que ce n'est pas une personne qui a des expériences d'Eveil, mais une conscience qui a des expériences humaines...

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